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Lettre ouverte d’un renne

Je me présente, mon prénom est Kivik et je suis un jeune renne finlandais. Si mon patronyme vous est familier, c’est qu’il fait référence à un canapé deux places avec méridienne de la page 169 du catalogue Ikea. Connaissant l’humour particulier de mes parents, je m’en sors plutôt bien ; mon frère Ballungen a eu moins de chance, il a hérité du balai pour wc avec support de la page 312. Trêve de plaisanteries, si je publie cette lettre ouverte aujourd’hui c’est avant tout pour vous raconter qui je suis, pour remettre «le Kota au milieu de la toundra» (version finlandaise de votre «église au milieu du village»).

 

Dans la mémoire collective, je ne suis que l’associé du Père Noël, une sorte de Uber écologique, trimant une nuit par année pour faire le bonheur des minots. Si au moins je faisais partie de la Team, de la Ligue des Super Rennes, je ne m’abaisserais pas à venir chercher auprès de vous un peu de reconnaissance. À maintes reprises mon rêve d’accéder à l’élite s’est soldé par un refus que je rumine encore. Pas assez de tempérament, banal, manque de prestance, les RH de l’homme en rouge m’ont préféré mes cousins dont l’arrogant Rudolphe. Sous prétexte que son nez s’illumine et permet ainsi au patron de ne pas se perdre dans la nuit, ce cervidé se croit tout permis. Comme je suis du genre têtu, je postulerai certainement l’année prochaine, on ne sait jamais, sur un malentendu (ou un malencontreux accident de cousin «Rud») ça pourrait marcher.

 

En attendant, laissez-moi vous raconter d’où je viens. Le terme renne vient de la langue laponne mais on me connaît aussi sous le terme caribou dont l’origine étymologique signifie «celui qui gratte le sol avec sa patte». J’ai de la famille dans les régions arctiques et subarctiques de l’Europe, de l’Asie et de l’Amérique du Nord. Malgré mes 180 kilos pour 1m30 au garrot et mon aspect de «vache nordique» je suis plutôt mignon avec ma frimousse pouponne et mes grands yeux. J’arbore de magnifiques bois recouverts de velours que je perds en automne. Ma compagne Istad les porte également, ils nous permettent de nous défendre et de chercher notre pitance dans la neige. Nous sommes de bons nageurs et nous n’hésitons pas à traverser des fleuves et des bras de mer lors de nos longues migrations. Malheureusement il nous arrive de ne pas avoir la lumière à tous les étages et de nous engager dans des plans foireux qui finissent parfois en tragédie.

 

Si vous me connaissiez un peu mieux, vous sauriez que je suis un être épatant de par ma capacité d’adaptation face au climat. Par exemple, quand Istad attendait notre premier né, Proppmätt, le printemps tardait à venir et la nourriture commençait à manquer. Et bien, elle a pu stopper le développement du fœtus et ainsi repousser sa naissance afin de mettre bas dans des conditions convenables. C’est une comique ma «renne des neiges», elle me surnomme Björn Borg à cause de mes sabots larges qui font office de raquettes naturelles dans le neige. Il faut avouer que c’est rudement pratique pour aller chercher le lichen dont je raffole. En fermentant dans ma panse, cet aliment dégage de la chaleur me dispensant ainsi de toutes activités physiques, je peux donc larver en toute impunité sans risquer l’hypothermie. J’ai une vie assez pépère au final car je ne crains pas grand monde. Certes il y a toujours une meute de loups ou un plantigrade mal léché qui me verraient bien en version kebab mais je les bats largement à la course et mes bois savent viser là où ça fait mal.

 

Après réflexion, je me dis que c’est ma relation avec l’homme qui est la plus complexe. Ce dernier me chasse depuis l’époque néandertalienne pour ma viande et ma fourrure. Certains peuples utilisaient même mes os et mes bois pour en faire des outils, mais parallèlement à cela il a su me domestiquer et faire de moi un précieux allié.

 

Il plane aussi sur moi des tas de légendes qui font le bonheur des curieux, amateurs de mystères. L’un des plus connus est bien sûr ma capacité à voler. Je ne vais évidemment pas vous répondre car tout dépend de votre aptitude à croire ou non à la magie de Noël. Ce que je peux vous dire c’est que bien avant que naisse le mythe du barbu philanthrope conduisant un traîneau tiré par mes ancêtres, des images gravées sur des pierres me représentaient déjà en train de m’envoyer en l’air. Les ricains n’ont donc rien inventé, ils ont juste dépoussiéré une légende vieille de 3000 ans.

 

Une autre histoire «stupéfiante» circule à mon propos et croyez-moi, je n’en suis pas très fier. J’aurais paraît-il un penchant pour les drogues hallucinogènes, un goût prononcé pour une variété de champignons pas très catholiques nommés amanites tue-mouches. Ce puissant psychotrope rouge à taches blanches, qui ferait paraître une fourmi aussi grosse qu’un éléphant après ingestion, serait mon péché mignon et provoquerait chez moi un comportement étrange. Rajoutez à cela les rumeurs prétendant que le secret de ma domestication tiendrait au fait que je kiffe l’urine humaine pour sa teneur en sel et je deviens aussitôt persona non grata autour du sapin de Noël. Je me marre en imaginant votre stupeur quand vous comprendrez que c’est un drogué urophile qui est chargé de transbahuter les cadeaux à vos chères têtes blondes. J’ai dit que j’étais épatant et mignon, pas irréprochable.

 

Toutes ces facettes de ma personnalité restent bien sûr à vérifier mais comme on dit, il n’y a pas de fumée sans feu et les légendes naissent souvent de faits avérés que le temps a déformé. Pour ma part, je suis heureux qu’en quelques lignes vous ayez pu apprendre à me connaître et je vous souhaite d’ores et déjà un joyeux Noël plein de magie, de rêves et de croyances. Pour ceux désireux de soutenir ma candidature pour la tournée de cadeaux 2018, une pétition est en ligne sur le site : www.rudolpheauplacard.la

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Kivik avec l'aide de S.Ceccon-Renevey

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